
Chapitre I
A ceux qui auront ce précieux manuscrit entre leurs mains
Ecrits en cachette ces mots latins racontent une fin…
La fin du monde.
Comment l’armée des Ténèbres marcha sur Rome
Comment les démons vainquirent les humains
Et s’emparèrent de la terre…
Par la… Ruse.
Virant à l’orange
Le ciel s’obscurcit
Elle ferma la fenêtre
Une larme glissa de ses yeux
Dans une longue trainée noire
Le rimmel de ses yeux de biche
Le masque japonais se brisa
Laissant place à un autre visage
Plus authentique
Aussi plus… terrifique
La raison de son chagrin
La perte d’un être cher
Son amoureux voulait la quitter
Mais elle l'aimait trop
Caprice d'enfant...
Charme troublant d’une... femme-enfant
L'eau dans les yeux
Lolita se tenait là
Une ombre parmi les ombres
Abattue mais digne
Elle ne se sentait plus vieillir…
Depuis des siècles
Elle enfila son long manteau noir
Prit soin de rabattre la capuche
Déambulant seule les rues
Dans le silence de la nuit tombant
Son élégante silhouette ne craignait rien
Ses yeux s'emplirent de larme
Un flot incontrôlable l'envahit
Non loin de là les vagues s'écrasaient
Chapitre II
Dressé entre deux dragons
Le clocher sonna l'heure de la marée haute
Quand les nuages disparurent
Une légère douleur émergea dans sa bouche
Elle qui d'ordinaire était si peu farouche
Elle s'était juré de ne jamais le faire
N'imaginant même pas se retrouver confrontée
A pareille situation de danger
Pourtant le temps lui manquait pour réfléchir
Aussi l’envie de se laisser fléchir
A peine le temps d'agir
Avec son arme favorite, son grand sourire
A la façon de ce Cupidon qui l’avait souvent narguée
Elle décocha sa flèche empoisonnée
Ne lui demander qu'une seule faveur
Celle qu'il accepterait de céder à sa dernière heure
Par le truchement de ce mensonge la perfide l’atteignit
Un seul objectif, lui voler un ultime baiser
Non sans un parfum d’extrême fatalité…
Je regardais dans cette obscurité
Morticia toujours bien apprêtée
Si belle quand elle souriait
Mais encore plus quand elle pleurait
A la douceur posée sur son visage
Se mêlait désormais un voile de douleur
La vie nous jouait de vilains tours
Mais elle semblait plus cruelle certains jours
Quand Morticia prenait la pose devant moi
Comment lui refuser sa dernière volonté
D’abord hésitant mais plein de compassion
Mon coeur généreux acceptait bien volontiers
Mais lui offrir ma reddition…
Ne serait qu’à une seule condition
Je ne voulais pas lui offrir de tentation
Ni lui donner le moindre signe d'encouragement
Ni lui montrer le moindre témoin de mon affaiblissement
Je sortis de mon ombre pour la... laisser faire
Je me... laissais faire
Transporté par cette atmosphère
Il flottait soudain comme un avant-gout de l’Enfer
Mon premier pas dans l’antichambre du Diable
Face à mon bourreau
Je ne bougeais plus
.. Plus un geste
.. Plus un mot
Que son amour reste lettre morte
Une vague s’écrasant sur l’écueil de mon coeur

Chapitre III
Egaré dans ce lieu de promenade
Désert à cette heure
J'étais seul à la merci d'une belle inconnue
Toute de noir vêtue
Une poupée diabolique…
Au regard angélique
Plus attirant que jamais
Ce n'était pas sa faute
Je n'aimais pas les ruptures par SMS
J’abhorrais ces déclarations de haine
Et les victimes de ces guerres
Je ne pouvais lui faire de mal
Gentleman trop sentimental ?
Un reste de mon éducation passée
L’idée de voir son coeur se briser
La vision de ses miettes me révulsait
J’avais peur de la laisser estropiée
Fuyant la laideur d’un corps privé de coeur
Je regardais se détacher une épée
Cette statue de chevalier au bras armé
L’homme a parfois besoin de plus de courage
Pour affronter une femme
Que toute une armée
Le tic tac d’une montre me rappela à mon devoir
Ne pas laisser trainer les choses
Par peur de les voir s'envenimer
La crainte de ne plus voir s'évacuer…
Hors de moi le poison féminin
Une voix froide m'avait dit sans un mot de plus
Rendez vous ce soir dans le parc
Maintenant je regardais son visage
Cherchant une trace de mon passage
La lumière de la dernière fois
Plus jamais mes yeux ne la croiseraient
Telle que maintenant elle m’apparaissait
Je ne voulais plus oublier ses traits
Graver cette émotion dans mes yeux
La tailler dans le marbre de ma mémoire
Ses yeux semèrent le doute
Notre tête à tête…
Installa la confusion
J'avais soudain la même envie
Qu'au premier jour…
Toucher sa frange
Caresser ses cheveux bruns
Effleurer le rose de ses joues
La prendre dans mes bras
J'étais à nouveau réceptif...
Chapitre IV
A son parfum… Presque captif
Le même que celui porté le jour de notre rencontre
Improvisée entre deux statues du palais du Louvre
En une fraction de seconde
Elle me remémorait le songe de tous nos délices
Face à cet invisible lien
J’oubliais brusquement mes bonnes résolutions
M’en aller ne semblait plus une solution
A quelques millimètres d’elle
Elle m’évoquait cette notion exquise
Celle de la… Convoitise
Nos bouches se firent face à face
Doucement elle effleura mes lèvres
Elle avait toujours le même gout…
.. La chair appétissante
.. La mine compatissante
Dans ma bouche fuyant cette fièvre
Son instinct fit mine d'engouffrer sa langue
Cherchant à s’enfoncer en moi
Dans la jungle de mes boyaux
Puis sa tête descendit légèrement
A la recherche d’un je ne sais quoi
Faute de mieux…
La dame en noir se rabattit sur mon cou
Sa caresse ôta mon foulard
Elle lorgna ma nuque
Alla même jusqu’à me renifler
Prenant tel le loup un air alléché
Jusqu’à donner la curieuse impression qu’elle voulait…
Me mordre
Telle une pomme rouge…
Bien fraiche et si juteuse
Elle croqua ma chair à pleines dents
J’étais en terrain découvert
Mon cou mis à nu
La chair à vif
Quand ses dents se refermèrent
Je hurlais tel un loup à la pleine lune
Sans prévenir
Elle mordit si fort
Et sans… effort
Je ne pouvais m'en détacher
Je ne me sentais plus libre
Plus horrible encore
La première douleur passée...
J'aimais ce supplice
J'aimais ce sévice tant que...
Je me surprenais à vouloir...

Chapitre V
Redemander un supplément de son pouvoir
Livré à sa torture
Coincé contre mon agresseur
Je ne pouvais m’en extirper
Serait-ce ma fin ?
Etait-ce sa faim ?
Etait-ce mon désir ?
Pouvais-je encore l'appeler ma belle
Alors qu'elle se comportait telle...
.. Une bête !
Ses dents me dévoraient…
Comme jadis le feu de son regard
Ma chemise de taches se parsemait
Ma plaie ouverte coulait
Des goutes de sang s'échappaient
Sacrifice au clair de lune
La brise sur mon visage moite
Je regardais d’un oeil ce mince filet
Sous la pression il s'agrandissait
Le ruisseau devenait un fleuve
Les deux trous dans ma peau...
Un véritable gouffre
Poinçonné tel un ticket de métro
Je voyais ma vie s'écouler
Le long de mon torse
Mes forces vitales fuyaient mes veines
Aspirées tel un cocktail à travers une paille
Réduit à l’état de simple nourriture
J’avais perdu tout appétit
Je me sentais pâlir
Je m’imaginais défaillir
Sous les coups de dents
De celle que j'ai jadis aimée
Sans compter la durée
Ses canines me pénétraient
Ses dents me perforaient
Penchée sur moi
Avec force précision
Elle cisaillait ma peau
Dans un travail d’orfèvre
A la lumière de la pleine lune
Le rythme de mon coeur ralentissait
Chaque battement résonnait comme une détonation
Mon coeur grondait comme l’orage
Ecoutant les coups de tonnerre s’espacer
Je courais à l’agonie
N’ayant plus le courage
Encore moins la force de m’enfuir
Chapitre VI
Assis sur un banc perdu au milieu de ce parc
Au milieu des statues de Vénus et Apollon
Nous incarnions une nouvelle oeuvre
Ne faisant plus qu'un
Pour la ronde d'un gardien...
Invisible
A la lisière de l’arythmie cardiaque
Plongé en état de choc
Sous le coup de sa morsure
Je frissonnais littéralement
Un va et vient de longue haleine
Ses crocs venaient dans mes veines
Comme sa langue jadis dans mes lèvres
Quand je cherchais à la dompter…
En vain
L’époque où elle buvait mes paroles
Un regard mélancolique sur le haut de son corset
Le petit noeud rouge fermant ses lacets
J'entendis un bruit de pas…
Loin sur le vieux pont
Trop loin pour me sauver
Une ombre fugitive vite oubliée
Aucun héros ne viendrait me sauver
A la lisière de ma vie
Sans le savoir tout en le sachant
J’avais couru à ma perte en venant ici
Néanmoins mon assassin s'interrompit
Ses lèvres affamées mais si pulpeuses...
La peau plus rouge qu'à l'ordinaire
Avec son rouge à lèvre couleur sang
Déjà gorgées de mon nectar
Elles continuèrent de s’abreuver
Mon coeur littéralement tétanisé
Ma Maitresse contrôlait la situation
Mon corps victime de sa manipulation
Réduit à l’état d'une simple marionnette
Animée entre ses douces mains
Mon corps dépourvu de force
Mon âme privée de volonté
Dieu m’avait abandonné
Les anges aussi
Seul humain livré en proie aux démons
Et à toutes leurs folies
Face à cette créature de la nuit
Je me sentais comme hypnotisé
Ses yeux absorbés au fond des miens
Ou les miens noyés au fond des siens
Elle me regarda plus profondément

Chapitre VII
Un pincement au coeur
Un claquement de ses doigts
Et je m'assoupis
Dans ses bras accueillants…
Agrippé contre elle
Ma main tâtant ma poche
A la recherche d’un vieux chapelet
Certes béni mais en vain
Quand à moi je revins
Les feuilles mortes tremblaient moins…
Que mon effroi
La mémoire en pagaille
Ne se rappelait plus de rien
Seul souvenir
Une désagréable impression
Cette sensation de brulure dans mon cou
La forme d’une étrange blessure
- Un animal t'a attaqué
- Tu as perdu beaucoup de sang
- Tu risques de mourir
Sans réfléchir j'attrapais son poignet
- Bois mon sang
Morticia venait de se sacrifier pour moi
Ses canines ouvrirent une fine entaille
Juste à la base de sa main
Malgré ma faiblesse
J’éprouvais au fond de mes entrailles
La soif qui sans cesse me tiraille
A tâtons je léchais sa veine
Bientôt avec violence je buvais à sa source…
.. En moi coulait désormais son sang
Sans le savoir je venais de tomber dans son piège
- Stop
Je reposais mon verre à son signal
Le cou toujours endolori
Ma tête tournait de plus en plus
Je ne me sentais pas bien
Comme après un trop plein
L'envie de vomir me saisit
Pour me rassurer elle prit ma main
Morticia m'entraina avec elle
J'ignorais où elle trouvait la force de me porter
Dans ses bras je me trouvais si léger
Qu'elle devait avoir des ailes…
Je dus m'évanouir en chemin
Je me réveillais le lendemain
Chapitre VIII
Le premier visage visible…
Fut celui d’une femme
Allongé dans le secret de son alcôve
Je me sentais reposé
L'envie de bouger mes mains
.. De sentir mes reins
.. De bondir hors du lit
Mes yeux cherchaient la lumière
Les volets étaient encore fermés
L’allure de ma situation changea
En voyant mes mains menottées
On me retenait prisonnier
Dans une cage dorée
Je protestais mais en vain
Sa main se colla sur ma bouche
Sa peau me sembla encore plus douce
Que la veille
Elle effleura ma cicatrice
Je pouvais sentir sa douceur
Malgré ses longs gants de vinyle
Pendant un instant je désirais son corps
Mon jeune et joli geôlier...
Ne me parlait qu'à travers
Un masque blanc de chirurgien
- C’est pour ton bien
Je ne comprenais pas son jeu
Mes forces manquaient encore à l’appel
De guerre lasse
Je regardais le seul spectacle s’offrant devant moi
La pointe de ses seins
Emprisonnés dans ce carcan de soie
L'envie inaccessible me prit de toucher son corset
Semblable au serre-taille de la veille
Sa main remonta sa jupe plissée
Feint de dégrafer son corsage
Elle caressa un instant sa chevelure
Et s’empara de mes cheveux
Cachée derrière son masque
Je pouvais deviner un timide sourire
A défaut de connaître son identité
L’ingénue ne cessait de me troubler
Cette femme masquée
Qui m’avait pris en otage
Dans mon vague naufrage
Je l'aurai suppliée pour qu'elle reste près de moi
Qu’elle se tienne à mon chevet
Epongeant mon front encore en fièvre
Sentir sa douceur durant des heures

Chapitre IX
Ce tableau idyllique semblait identique…
Au premier jour... Suivant notre première nuit
Et pourtant maintenant tout semblait si différent
Morticia commença à changer à son retour de Paris
Lasse de ses caresses elle se leva du lit
Elle n’avait plus la même patience
Une autre soif la dévorait intérieurement
Ce n’était plus tant l’amour que le sang qui l’intéressait
Qui pourrait la contenter
Et même la rassasier
Du début de la nuit
Jusqu’au petit jour
Et ce… pour toujours
Victime d’une étrange malédiction
Le visage toujours masqué
Elle jeta un dernier regard
Et s’enfuie en tournant les talons
Face à cette femme encore plus inaccessible
Mon corps lié restait immobile
Mon désir impassible
Que pouvais-je faire d’autre
Hormis la dévorer… Du regard
J’admirais ses longues bottes en cuir noir
Je me sentais si petit à coté de ses cuissardes
Ses pieds foulèrent le parquet de la chambre
Je fuyais du regard ses coups de talons
Seul bruit audible à cet instant
En dehors des oiseaux noirs dans les champs
Je n'aurais pas non plus voulu sentir
Encore son coup de cravache
Zébrer ma peau sanguinolente
Quand l’allure cavalière elle rentrait des écuries
.. Au pas de course
Dans un instant de distraction
Ma liberté enchainée eut cette douce vision
Je contemplais dans l’horizon cette ligne noire
Tracée sur ses épaules nues
Les fines bretelles portant son corsant
Sa peau me semblait encore plus blanche
D’une pâleur plus claire que les jours d'avant
A vrai dire j'ignorais depuis quand
J'étais allongé ici
Posé sur ses draps de satin
Vautré sur ses oreillers
Les mains attachées au lit
Je regardais sans cesse mon gardien…
Ange ou Démon ?
Morticia s'assit à la coiffeuse
Chapitre X
Un tube à la main
Elle commença à se maquiller
Bizarrement
Son reflet dans la glace...
N'apparaissait pas
J'avais envie de dormir
Encore une fois
Je me rappelais
L'étrange odeur de son parfum
Ces fleurs que je n’avais senties…
Que sur Elle
Mais… trop tard
- Allez dors bébé dors
Sa voix hypnotique agissait sur moi
Lui prêtais-je un pouvoir hypothétique ?
- Ce soir pour notre première chasse aux bois
… Tu seras définitivement prêt…
Mon cher… soumis !
J’étais dés lors dominé… Condamné
A venir grossir les rangs de son armée d’esclaves… Non-morts
Subir une vie d’esclave guidé par la soif
Toute ma vie lui obéir…
Ne penser qu’à elle…
N’appartenir qu’à… Morticia
Lady Morticia pencha à nouveau son visage vers le mien
Je reculais dans un réflexe de peur
Insatiable elle me saigna encore
Mon corps s’habituait à la douleur
Quand je découvris sur son épaule dénudée
Une marque faite au fer rouge…
Un sceau royal… La marque de feu le Comte Dracula
Morticia était une des épouses du défunt… Vampire
Au rythme des saignées
C’est ainsi que s’écoula le reste de ma vie
J’avais perdu tout contrôle sur mon existence
Et si le temps n’avait plus d’emprise sur moi…
Je n’avais plus non plus d’emprise sur le… Temps.
Signé Sir Abraham Van Helsing